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Trois axes pour préparer l’après-nucléaire à Huy-Waremme dès maintenant !

Alors que le démantèlement de Tihange 2 est prévu pour 2023 et celui de Tihange 1 et 3 pour 2025, aucun texte contraignant n’encadre cette sortie du nucléaire. Face à ce vide juridique, un plan est non seulement nécessaire, mais également urgent.

C’est pourquoi, avec l’équipe des Ecolos hutois, nous proposons un plan en trois axes pour préparer concrètement l’après-nucléaire à Huy-Waremme, entre démantèlement et reconversion du site.

Axe 1. L’accompagnement social : ne laisser personne sur la touche !

La sortie du nucléaire ne doit engendrer aucune suppression d’emploi. Au contraire, les activités de démantèlement doivent être considérées comme une opportunité de création d’emplois.

Deux priorités doivent ainsi être défendues : la garantie qu’il n’y aura aucune suppression d’emploi existant et la mise en œuvre de nouvelles filières de démantèlement.

Pour ce qui concerne les 1000 emplois directs existants, il est d’abord possible de les garantir via la mise en œuvre rapide d’un plan social et via l’activation de l’accord de stabilité de 1962.

Actuellement, la loi de sortie du nucléaire (article 10) prévoit la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement social une fois la fermeture de la centrale. On ne peut toutefois attendre la dernière minute pour préparer l’accompagnement social des travailleurs. Il faut impérativement modifier la loi pour imposer la négociation d’un plan social dès aujourd’hui, intégrant les opportunités dans le démantèlement, les départs naturels, les reclassements et mobilités.

Le reclassement du personnel constitue même une obligation pour l’exploitant. En effet, les nombreuses interpellations de la Ministre de l’emploi, Christie Morreale, ont permis de mettre au jour l’existence d’un Accord de stabilité datant de 1962 qui s’impose à Engie, et qui vient d’ailleurs d’être appliqué dans le cas de la centrale de biométhanisation des Awirs, où la cinquantaine de travailleurs a été reclassée.

L’emploi existant doit également être maintenu grâce aux opportunités qu’offre le démantèlement. La fin de la production d’électricité ne signifie en effet pas la fin de l’activité sur le site. Il restera les activités de démantèlement pendant des dizaines d’années, mais aussi la gestion des déchets. Et les premiers à pouvoir mener ces opérations sont les travailleurs actuels, qui disposent d’un haut niveau de qualification et d’une connaissance de première main des fonctionnements et spécificités de leurs outils de travail. C’est donc en priorité dans ces activités que doivent être engagés les travailleurs, avant d’envisager les autres alternatives évoquées ci-dessus.

Mais le démantèlement créera aussi des emplois et de l’activité économique pour l’arrondissement. Ainsi, 453 réacteurs sont opérationnels dans le monde, dont 48 % situés en Europe avec une moyenne d’âge de 33 ans (pour une durée de vie initiale de 40 ans). Selon un rapport de la Commission Européenne de 2019, le marché des services et travaux de démantèlement représente un marché de 405 milliard d’euros d’ici 2100, avec 1,4 à 2,2 milliard €/an de demande d’ici 2035, et même un pic entre 2035 et 2045 à 3 milliard €/an.

D’ailleurs, en Allemagne, une Etude du Karlsruhe Research Center (KIT) démontre que la sortie du nucléaire a créé entre 1000 et 2000 emplois supplémentaires sur le territoire via le démantèlement. Pour ne prendre qu’un exemple, la centrale d’Obrighem (arrêtée en 2005) compte toujours 300 employés sur le site, le même nombre que lorsque la centrale était en activité.

Il est donc essentiel de saisir cette opportunité pour développer une expertise en Belgique, et pourquoi pas dans notre région. Pour cela, une piste pourrait notamment être de créer de nouvelles filières de formation dans le démantèlement, au sein du Forem par exemple. Nous interpellerons la Ministre Morreale sur cette question dès la semaine prochaine.

Axe 2. Un démantèlement immédiat, sûr, responsable… et un retour au « Green Field » !

Soyons clairs : les fonds ne sont pas disponibles immédiatement si l’on voulait demain commencer les travaux de démantèlement de Tihange 2. Et si Engie Electrabel devient insolvable, la vérité est qu’il n’y a aucun recours possible contre la société mère dans la loi. Bref : c’est le contribuable belge qui risque de trinquer pour la facture du démantèlement et du stockage des déchets radioactifs. Et ça, il en est hors de question pour Ecolo.

L’année passée, en Belgique, c’était la Commission des provisions nucléaires (CPN) qui tirait la sonnette d’alarme dans son rapport annuel et demandait de réviser la loi. Le rapport pointait aussi l’explosion du coût du projet d’enfouissement des déchets radioactifs les plus dangereux. La Commission joue un rôle de contrôle prudentiel primordial puisque c’est elle qui évalue l’existence, la suffisance et la disponibilité des fonds nécessaires pour le démantèlement des centrales nucléaires et la gestion sur le long terme des déchets radioactifs.

Cela fait des années que nous exigeons de renforcer le cadre légal pour provisionner tous les coûts liés à la gestion des déchets nucléaires, mais aussi au démantèlement des centrales qui prendra des dizaines d’années.

Il faut écouter les experts de la CPN. Il convient aujourd’hui de réévaluer les coûts pour les prélever directement chez Engie et empêcher l’insolvabilité de la filiale d’Engie. Autrement, ce sont les citoyens qui devront trinquer ! Il est grand temps de passer à l’action et d’appliquer le principe du pollueur-payeur. Car ce n’est pas aux Belges à payer la facture des déchets nucléaires. Engie doit porter cette responsabilité.

Ecolo-Groen a d’ores et déjà mis sur la table du Parlement une proposition de loi visant à modifier le système actuel avec comme objectif, entre autres, la transmission de la gestion des provisions nucléaires de Synatom à la Banque nationale de Belgique.

Ecolo veut fixer dans la loi un démantèlement sûr, responsable, effectif, et non-différé dans le temps des réacteurs nucléaires belges. Le but ultime est en effet d’atteindre le « Green Field » : à la suite des travaux de démantèlement, toute sorte d’activité (même non-industrielle) pourra être établie au sein de la zone. En d’autres termes, les sites de Tihange et Doel doivent être entièrement décontaminés et libérés pour qu’ils puissent servir à d’autres fins à l’avenir.

Axe 3. Une transition écologique et économique de Huy-Waremme

Une task-force interfédérale, dotée de moyens spécifiques, issus des provisions !

La disparition des emplois indirects liés au secteur de l’électronucléaire risque donc d’avoir un impact beaucoup plus déstabilisant sur le bassin hutois et justifie que l’on convoque une taskforce. En concertation avec les employeurs, les salariés, les partenaires sociaux, les autorités locales et régionales, et en vertu de l’accord national de stabilité du 11 avril 1962 conclu au sein de la commission paritaire 326, Ecolo souhaite la mise en place d’une taskforce interfédérale chargée de développer un plan social comprenant deux volets : d’une part, la reconversion des travailleurs et travailleuses dont le profil professionnel serait compatible avec des tâches de démantèlement, de gestion des déchets ou d’assainissement des sites afin qu’ils en soient les premiers acteurs, d’autre part, le réemploi dans le secteur énergétique et dans la région de leur emploi précédent, moyennant d’éventuelle requalifications, de ceux et celles qui ne pourraient contribuer au démantèlement.

En ce qui concerne l’utilisation des provisions nucléaires, aujourd’hui, les provisions nucléaires qui équivalent à plus de 13 milliards d’euros ne sont pas directement disponibles et sont réinvestis au sein d’Engie dans des projets à l’étranger.

Or, notre intention et notre proposition de loi à la Chambre vise à sécuriser ces fonds en Belgique, au sein d’une institution publique totalement indépendante. Ces 13 milliards pourraient ainsi servir à financer la transition écologique et économique en Belgique, et en priorité à Huy-Waremme !

Car c’est bien beau de prévoir de grands projets de reconversion; encore faut-il avoir les moyens d’investir dans ces projets de transition. Les provisions nucléaires représentent pour les écologistes une source de financement d’investissements sûrs et durables à Huy-Waremme, qu’il faudrait pouvoir exploiter.

Développement de nouvelles opportunités socio-économiques…

En se basant sur le schéma provincial de développement territorial réalisé par Liège Europe Métropole (LEM), qui vise à renforcer l’attractivité de la province de Liège, de façon supracommunale à travers de nombreux projets et qui donne un aperçu plus profond des visions à atteindre d’ici 2040, les écologiques pensent qu’ils existent plusieurs pistes de solutions intéressantes à approfondir dans l’étude de ce que pourraient être la reconversion du site.

« La régénération au service du développement économique »

L’exemple du démantèlement du réacteur BR3 du SCK CEN, le premier réacteur à eau pressurisée (PWR) destiné à la production d’électricité et mis en service sur le continent européen, mis à l’arrêt en 1987, n’est pas encore tout à fait achevé. Il auradonc fallu plus de 33 ans. Selon le Ministre de l’Intérieur, « L’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) ne dispose pas d’un rapport intérimaire ou intermédiaire spécifique présentant une vue d’ensemble de tous les enseignements et expériences acquis en rapport avec le démantèlement du réacteur BR3. »

Or, le démantèlement de réacteurs nucléaires de l’ampleur de ceux de Doel et Tihange sera une première en Belgique, donc c’est une source de savoirs, de connaissances, d’expériences et de qualifications à valoriser et à transmettre incontestablement dans le cadre du démantèlement et des déchets. En effet, 53 réacteurs opérationnels dans le monde dont 48 % sont situés en Europe. Ces réacteurs européens affichent une moyenne d’âge de 33 ans, en approche de leur durée de vie initiale de 40 ans. Il n’est pas non plus inutile de relever que, des 178 centrales nucléaires à l’arrêt dans le monde, plus de la moitié est déjà située en Europe.

Ces services et travaux de démantèlement constituent donc un secteur d’activité en expansion, s’inscrivant dans le temps long, et offrant de nombreuses opportunités aux individus, compagnies et collectivités qui sauront développer assez tôt une expertise spécifique dans cette matière.

Propositions pour la reconversion du site

1. Un pôle de recherche et de développement, de compétences scientifiques et industrielles dans le cadre du démantèlement, des déchets, des énergies et des nouvelles technologies.

« Rencontrer l’urbanisme bas-carbone»

D’ici 2040, Huy va devenir un pôle régional, un lieu de vie attractif, un pôle important entre Liège et Namur. Il y a une volonté d’intensification de l’habitat au sein de son périmètre communale (> 60 logements/ha), avec la création de logements supplémentaires pour répondre au nombre de la population qui est à la hausse.

De plus, il y a une nécessité de renouvellement urbain de l’habitat dans la vallée mosane à court, à moyen et à long termes de l’ensemble de la vallée, qui sera fondée sur une analyse foncière approfondie, enfin la réhabilitation et la rénovation du bâti ancien semble indispensable dans les années à venir… De plus, Huy contient des lieux stratégiques pour la création d’habitats innovants qui sont facilement accessibles grâce à une offre de transports en commun assez attractive (gare, bus, mobilité vélo).

2. Un pôle d’accompagnement et de valorisation des filières de construction locale, en rénovation, habilitation et régénération de l’habitat.

Pour la suite, Ecolo mènera deux actions principales :

1. Suivre les discussions avec Engie/Electrabel pour envisager concrètement la réaffectation du site, avec comme objectif de promouvoir un pôle de formation, sur notre territoire, centré sur l’activité nucléaire et la reconversion du site, ainsi que la mise en place du plan d’accompagnement social.

2. Suivre de près les études faites par les experts, notamment la SPI, l’Université de Liège et le GRE, avec comme objectifs de s’engager dans la voie de la transition énergétique et écologique, une reconversion du site qui nécessite l’élaboration d’abord d’un plan de redéploiement économique et la création d’un espace de qualité au service du développement économique, afin d’accueillir les entreprises de demain dans un cadre requalifié.